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la représentation de la représentation


IRCAM-nuit blanche-Thorsten Streichardt
Avoir vu à Quimper, cette fin d’été, l’atelier de l’artiste plasticien, Thorsten Streichardt, regardé les pages, les crayons, les structures métalliques, les enregistreurs, tous ces outils pour réaliser la performance à l’IRCAM, et découvert lors de la Nuit Blanche à Paris comment la particularité d’un lieu magnifiait le tout, comment cet étonnant logiciel construit pour lui par un ingénieur de l’IRCAM amortissait le son, le transformait gardant davantage la structure rythmique que les notes, le public passant à l’étage devant un bouquet de micros placés sur le chemin caquetait, chantait, parlait, et à partir de ces bruits dévalant la pente de l’escalier par des câbles invisibles l’artiste au sous-sol composait en direct à l’aide de son propre instrument, celui de ses crayons de papier à même le kakemono disposé en fleur sur la forêt éclatée des barres chromées, le double sens d’une œuvre sa musique et sa réalisation plastique. Prolongement de l’étroite piste que trace cet homme, au plus juste d’un art à mi-chemin entre le conceptuel et le sensible, ici du physique et du sensuel où la mine de plomb gratte la matière du papier en rythme, l’objet représenté étant tout autant la musique obtenue que la sculpture-dessin représentée par les hachures sur la nappe circulaire faisant le tour de l’objet, et associant dans le même temps l’émetteur et le récepteur qu’est le public.

Lui-même, altier dans sa jupe de cuir marron et son pull over blanc, prolongeant la « mise en scène ».


BPI Expo Claude Simon.
Y aller pour comprendre quelque chose de sa combinatoire, comment il se sort de l’enchevêtrement, du sens du passage par la couleur pour figurer le tout. Me disais qu’avec Scrivener, il aurait été aidé sans doute dans sa collection de bribes, de fragments, d’extraits. L’écriture à paragraphes comme résultante provisoire. Mon problème, le montage des demi-lignes.

Emue par le petit carnet de sa grand-tante jurassienne, me rappelait celui de ma grand-mère conservé quelque part dans la maison.

Tant aimé la longue liste des chevaux, un poème, et tellement de ces détails techniques, à partir du grand cahier de l’ancêtre maternel.

Et les cartes postales d’Histoire, une correspondance, comme une preuve par neuf de ces collages dans le récit, encore frais dans ma tête.


Galerie Air de Paris, vu les 136 drawings de Mrzyk et Moriceau, série de dessins sexuels, savoureux.

Revu le The Queens of the amazons and Achills de Dorothy Ianonne, plus clair que sur ma photo, (l’oeuvre coûte 16 000 euros, aïe) et d’autres dessins.

Vu aussi le travail, Free Poetry, d’Allen Ruppersberg sur une phrase de Lautréamont nous invitant à composer notre propre poème en image : j’ai sélectionné cinq pages parmi une vingtaine, dûment homologuées par la galeriste, couverture et tampon à l’appui, et suis repartie avec mon « œuvre » sous le bras.

Puis assisté à la construction de la structure de bois par Hugues Decointet, « Drama Vox, petit théâtre de voix », sur fond de textes étranges, la lumière finale allumée dans le théâtre de voix avait quelque chose de magique (une lanterne, un théâtre et des voix de théâtre tout ça avec le monteur des pièces de bois).

cite ci-après le texte de Marylène Malbert.

Frappé par la description de la voix de Samuel Beckett dans Les vies silencieuses de Samuel Beckett (Nathalie Léger, éditions Allia, 2006), HD sollicite comédiens, metteurs en scène et autres personnalités engagées dans le théâtre pour qu’ils décrivent la voix d’auteurs dramatiques contemporains dont ils étaient proches. A partir de ces témoignages d’une grande richesse, l’artiste isole les vocables servant au descriptif de la voix qu’il imprime sous forme d’index. Par ailleurs la matière sonore accumulée –un ensemble de didascalies vocales- est montée par HD de façon à dresser le portrait syncrétique de la voix d’un personnage de théâtre imaginaire. Restait à trouver la « mise en scène » adéquate pour diffuser cette polyphonie descriptive.

C’est le bois que l’artiste choisit comme support au son sous la forme d’une construction modulable. Ni performance, ni pièce radiophonique, Drama Vox se présente littéralement comme un « petit théâtre de voix ». Un machiniste met silencieusement en mouvement des objets depuis lesquels sont diffusés des fragments de descriptions : un dialogue se crée entre la « silhouette vocale » et la pensée à voix haute du machiniste qui surgit elle aussi du dispositif, pour raconter en contrepoint la difficulté de décrire une voix. La manipulation des objets de bois qui renferment la matière sonore fait émerger le portrait vocal et révèle peu à peu une architecture. Son format réduit nous situe toutefois du côté de la maquette, qui n’est autre que la projection utopique d’un théâtre selon HD.

Le lieu où la voix de l’écrivain s’abandonne au jeu des comédiens se dessine ainsi schématiquement, Drama Vox est un prélude au spectacle, à l’œuvre théâtrale même.

Ce qui me frappe dans cette oeuvre, c’est la machinerie, faire œuvre de représentation sur le travail qui sert de substrat à la représentation, montrer le théâtre en construction, les pièces du kit en bois peu à peu assemblées, l’enchaînement des sons, leur double niveau de sens, la description des voix des auteurs par les acteurs plutôt que leurs textes-mêmes, l’interférence avec les constats du machiniste, c’est donc paradoxalement une déconstruction de l’acte de la représentation qu’est le théâtre, une mise en abyme vertigineuse du rôle de l’acteur et de l’auteur, un accent mis aussi sur l’oralité mais pas celle voulue par les écrivains cités ici (Besset, Duras, Gatti, Cixous, Ionesco, Novarina, Blin, Cadiot, Sarraute, Césaire, etc.). Illustration d’une certaine aporie du théâtre ou mise en impasse des textes dans cette instance de mise en scène ?


Et me retrouve avec ce que dit Claude Simon dans sa conférence « Littérature et Mémoire » à propos du texte de Stendhal dans Une vie d’Henri Brulard sur le Col du Saint-Bernard et de cet épisode où le narrateur à cheval avait peur de verser. L’auteur ne tente pas d’évoquer son propre souvenir de guerre, ou plutôt il se sert d’une gravure, qui illustre la scène pour trouver les plans à décrire, gravure dont il n’épuise pas les détails de ses descriptions, nous dit Claude Simon, dont il ne prend que quelques bribes, rêvant aux mots qui auraient pu être ceux de J-J. Rousseau pour décrire une telle scène. L’événement lui-même finalement pris dans le prisme de quatre filtres, celui de son souvenir lié à une émotion, la peur, celui des images de la gravure qui propose un cadrage, et dont il sélectionne –nouveau filtre- justement ce qui se relie à son souvenir, et celui qu’il projette de ce qu’un Rousseau en aurait fait. Ou de la construction d’un temps de l’écriture qui fait toute l’obsession de Claude Simon.

Comme ici il me semble, l’interrogation d’Hugues Decointet sur ce que serait l’espace ou le temps ou du comment la représentation dans l’œuvre contemporaine, proposant ses outils, son support, son propre périmètre, un lieu à soi. Que serait là finalement l’objet de la recherche en art.

Et pensé aussi à cette note manuscrite de Claude Simon dans la marge de Le Temps Retrouvé de Proust (page 243 de sa version de poche) « très discutable » à propos d’une phrase marquée d’un signe ondulatoire tout du long,

De sorte que la littérature qui se contente de « décrire les choses », d’en donner seulement un misérable relevé de lignes et de surfaces, est celle qui, tout en s’appelant réaliste, est la plus éloignée de la réalité, celle qui nous appauvrit et nous attriste le plus, car elle coupe brusquement toute communication de notre moi présent avec le passé, dont les choses gardaient l’essence, et l’avenir, où elles nous incitent à le goûter de nouveau. C’est elle que l’art digne de ce nom doit exprimer, et, s’il y échoue, on peut encore tirer de son impuissance un enseignement (tandis qu’on n’en tire aucun des réussites du réalisme), à savoir que cette essence est en partie subjective et incommunicable.

Et comme l’impression que Claude Simon y a aussi renoncé d’une certaine façon à la "réussite du réalisme", alors pourquoi ce « très discutable ».

PS : et probablement la question de l’enregistrement dans tout ça, la reproduction mécanique ou pas, l’usage des robots, des logiciels, de la peinture, simples outils ou subvertive utilisation des extraits.


construction insolite
saint-sever-du-moustier (aveyron)

écrit ou proposé par Christine Simon
BY-NC-SA (site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne le 12 janvier 2014 et dernière modification le dimanche 3 décembre 2017
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