Dans l’art du tir à l’arc traditionnel japonais, le point imaginaire est réel, il est cette vision au-delà de la cible qui fait bander l’arc et lancer la flèche vers cette orée, posée comme un but dans le temps et l’espace.
Nommé ce site « le point imaginaire » pour exercer chaque jour le geste sur la ligne en visant un point au-delà de la publication, qu’on pourrait nommer « littérature », dans cette aspiration de la perspective, que décrit Claude Simon :
Puis rouvrant les yeux et le soleil rasait le sommet des branches colorait le faîte du mur d’une lumière tendre rosâtre ou plutôt cuivrée. L’oiseau n’était plus là. En haut les briques étaient d’un rouge orange et plus bas, là où il n’arrivait pas encore, mauve lilas, le faisceau convergent de leurs rangées parallèles s’enfuyant aspiré par la perspective vers un point imaginaire au-delà du mur en face, du lierre toujours dans l’ombre, bleu foncé. [Histoire]
C’est un apprentissage, de l’ordre de la respiration :
L’acte de l’inspiration lie et réunit, tout ce qui est convenable s’accomplit, tandis qu’on retient le souffle ; l’expiration, elle, délivre et parfait, en triomphant de toute limitation. Mais nous n’étions pas encore capables de comprendre ce langage.
Le zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc. E. Herrigel (Dervy-Livres)
Tiré du Kyudo, la Voie de l’art chevaleresque du tir,
L’archer élève son arc de bambou,
il le tend, lentement, détendu,
il retient la flèche le temps nécessaire pour permettre au tir de mûrir,
et l’acte parfait se réalise :
l’archer s’oublie et s’ouvre,
ne faisant plus qu’un avec l’arc, la flèche et la cible.
L’impact se fait entendre mais le tir se poursuit au-delà.
Sans viser, l’archer s’est visé.
Sans chercher à atteindre la cible, l’archer s’est atteint.