C’était un soir de juillet en 1943, ils avaient allumé les lampions éclairés de couleurs joyeuses, ils parlaient aux amis des feux d’artifice tous récents, ils venaient de dîner près du jardin de roses sous les arches qui menaient au verger, un peu plus tôt la légende familiale parle d’une confidence faite aux enfants, je n’ai jamais autant aimé votre mère, il savait que c’était pour le soir-même, c’est même lui qui avait fait installer la DCA dans la cour de l’usine, le message des Français parlant aux Français, les peupliers de Jean-Pierre sont trop hauts, avait retenti sur Radio-Londres, Jean-Pierre était son patron, par leurs contacts avec la résistance, ils savaient que c’était le signal, pourtant il n’avait pas chargé l’automobile, ni embarqué le petit monde pour fuir la ville, tout juste avait-il descendu à la cave les doubles vitrages mobiles des fenêtres et enterré les verrines dans la terre battue du cellier, on les avait retrouvées près de quarante ans plus tard. Les fusées éclairantes, des feux de Bengale orange lancés par les Pathfinders, illuminaient le ciel, il a crié, tous au verger, ils se sont couchés dans l’herbe, les doigts appuyés sur les oreilles comme il leur avait appris, leurs corps les uns contre les autres, puis les bombardiers Halifax ont largué les bombes.