Elle reprend son agenda pour vérifier les dates, le temps s’est comme écrasé, rétrécissement, contraction, et le carnet n’aide en rien, toutes colonnes égales par ailleurs, une heure vaut une heure, 8, 9, 10, 11, 12 13, 14, de ce mois de décembre, le temps anglo-saxon du saucisson tout-puissant de l’homme contemporain, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, de ces heures proposées dont on ne dit même plus que ce sont des heures, implicite opérant que son activité s’exerce entre sept heures et vingt-une heures, est-elle une Californienne, et quinze possibilités doublées de leur inter demi-heure, soit trente, dans ce carnet de chez Legami de Milano, qui commence par un I have a dream, vraiment, et cinq lignes sans rien dessus, elle n’a pas rempli, ça ne se confie pas au Grand Organisateur, qui décontracte le temps, le relaxe, lui imprime le geste giboyeux de l’infini déplié des trente petites surfaces à dialogues, à écritures, à transports, assise, debout, dormir, se laver, manger, marcher, rencontrer, ça va au journal, qui jonche les lignes de jachères, d’hésitations, la maturation de ce qu’il peut s’écrire, car, dans cet interstice de la portion congrue, devant ces mirages qui génèrent la promesse de copieuses oasis, on ne peut oublier la soif dans le désert, alors tant que les blocs du compte-temps condamnent à la déréliction, elle garde pour la fiction secrète la montée des sens et l’abandon du corps, ça juste avant le point.
crédit photo christine simon
florence reymond
(détail)