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51 nuances de rouge

Après les couleurs bleu et vert, me prends l’envie d’une incursion dans le rouge, tentant tout d’abord de me raccrocher à l’étymologie, cherchant l’incandescence comme l’aveugle cherche le chaud ou Ariane son fil.

Dans Le dictionnaire étymologique du français(Les usuels du Robert), on trouve :

reudh., roudh., rouge, eruthros, erusipelas, ruber, rubrica, rubicundus, rubus, robur, chêne rouge, tenu pour le plus dur des bois d’où robustus de chêne solide, résistant, russus, roux issu de rudh tos,de robigo, rouille, pour les accroches de base, les racines latines font rutilant, rouge, rougeur, rougir, rougeâtre, rouge-gorge, rougeaud, rougeoyer, rubis, roux, rousseau, rousseur, roussir, roussette, rouille,rouiller, dérouiller, rouillure, rougeoleux, rissole, rissoler, à la manière savante, on trouve rubrique, rubicond, robuste, robustesse, corroborer, rubescent, rubéole, rubigineux, et côté grec, érysipèle, érythrine, érythème, ou ces populaires rouir, rouissage.

Qu’on aime ce rouissage qui ne l’est pas tant que ça, mais la mascération, ah.

Dans mon histoire avec cette couleur, -l’enfance ne prise guère le vermillon, ou alors c’est la rougeole, bien sûr on goûte ces Livres Rouge et Or de chez Hetzel, puis la collection du même nom, mange quelques belles cerises bigarreau au verger-, et puis souvenir de cette bonbonnière de faïence rouge et rose gagnée à l’échange de dix images par mon institutrice de l’école primaire, Mlle Chauffat, objet trônant comme vide-poches dans l’entrée de la maison, même si je l’aurais bien un peu gardé par devers moi, mais le vrai rouge, je veux dire l’apprentissage du rouge, sa carnation, ses nuances, appartient au monde de la prime adolescence, tenté Rimbaud à douze ou treize ans, ou quelque chose comme ça, commençant par le "I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles, dans la colère ou les ivresses pénitentes ", avant de découvrir ses autres œuvres, et il me faut recopier avec délice ces « ivresses pénitentes » dans mon carnet, pour en deviner le sens caché puis compréhension tardive du contresens.

Même si j’ai bien conscience que le rouge ne me va pas au teint, très peu pour moi ces fards à joue artificiels, -le fard je le prenais de timidité, enfant-, d’où son inutilité sur mon visage.

D’ailleurs, dans ma chère Encyclopédie (Diderot et d’Alembert), on est d’accord avec moi :

Rouge, s. m. (Cosmétiq.) espece de fard fort en usage, que les femmes du monde mettent sur leurs joues, par mode ou par nécessité. En d’autres termes, c’est Cette artificieuse rougeur Qui supplée au défaut de celle Que jadis causoit la pudeur.

Mais avec les années j’ai aimé la belle incarnation de ces recettes du temps jadis :

Le rouge dont on faisoit usage anciennement se nommoit purpurissus, sorte de vermillon préparé ; c’étoit un fard d’un très - beau rouge purpurin, dont les dames greques & romaines se coloroient le visage. Il paroît par sa composition qu’il avoit quelque chose d’approchant de ce que nos peintres appellent rose d’oeillet, carnation d’oeillet, en anglois rose - pink. Il étoit fait de la plus fine espece de craie - blanche, creta argentaria, dissoute dans un forte teinture pourpre, tirée de l’écume chaude du poisson purpura, du murex, ou à leur défaut des racines & des bois qui teignent en rouge ; quand la partie la plus crasse étoit tombée au fond du vaisseau, la liqueur, quoiqu’encore épaisse, se versoit dans un autre vaisseau, & ce qui alloit au fond de cette derniere liqueur étoit d’un beau pourpre pâle qu’on mettoit dans des vases précieux & qu’on gardoit pour l’usage.

On le voit tout est affaire de vaisseau pour que la belle liqueur embellisse le corps d’un beau pourpre pâle, que ça, le plus beau des cosmétiques. Comme le rappelle D. Jaucour ((Diderot et d’Alembert)

quoiqu’actuellement le peu de rouge dont quelques - unes des dames du pays se parent en secret, ne soit parvenu au degré de pouvoir supprimer l’apparence de ce rouge charmant qui décele les premieres foiblesses du cœur ?

Le voilà le mystère du rouge, celui qu’on prend après une nuit d’amour.

Toujours chez le même on explique le protocole du carmin avec une précision toute technique, où l’on apprend qu’il faut s’y remettre à cinq fois, oui cinq bouillons, pour que la couleur s’installe.

Rouge de carmin ou Carmin, (Chimie & Peint.) c’est ainsi que l’on nomme une couleur ou fécule d’un beau rouge très - vif tirant sur le cramoisi. On a déja parlé de cette couleur à l’art. Carmin ; mais comme elle n’y a été décrite que très - imparfaitement, on a cru devoir y suppléer ici.

Voici le procédé suivant lequel on peut faire le carmin avec succès. On prend 5 gros de cochenille, un demi gros de graine de chouan, 18 grains d’écorce d’autour, 18 grains d’alun, & 5 livres d’eau de pluie ; on commencera par faire bouillir l’eau, alors on y jettera la graine de chouan, on lui laissera faire cinq ou six bouillons, après quoi on filtrera la liqueur. On la remettra sur le feu ; lorsqu’elle aura bouilli de nouveau, on y mettra la cochenille ; après qu’elle aura fait environ quatre ou cinq bouillons, on y joindra l’écorce d’autour & l’alun. On filtrera de nouveau la liqueur ; au bout de quelque tems, le carmin sous la forme d’une fécule rouge se précipitera au fond du vaisseau où l’on aura mis la liqueur filtrée ; les doses indiquées en donneront environ deux scrupules. On décantera la liqueur qui surnagera, & on fera sécher la couleur rouge au soleil.

On le voit le rouge ne se donne pas si facilement et mérite qu’on s’y applique.

Alors bien sûr, on aimerait passer par tous ces états du rougir.

Rouge ou Rosette, encre d’Imprimerie, pour imprimer en rouge. Voyez Encre.

Rouge, (Maréchal.) un cheval rouge, est un cheval bai très - vif. Ce terme n’est plus en usage. Grisrouge. Voyez Gris.

Rouge, (Peinture.) très - beau pour le lavis. Réduisez en poudre subtile ce que vous voudrez de cochenille, versez - la dans un vaisseau où vous ayez mis de l’eau - rose assez pour surpasser de deux doigts cette poudre ; jettez ensuite de l’alun brûlé, & pulvérssé encore tout chaud dans de l’eau de plantin, dans laquelle vous mêlerez la liqueur qui aura servi à dissoudre la cochenille, & vous aurez un très - beau rouge (D. J.)

On n’en revient pas de ces définitions dans le rouge, on les lit avec passion, chacune d’elle fait surprise, émeut, encourage, tiens ce cheval bai très rouge, il nous turlupine.

Et je passe sur le rouge de Corroyeur, ce rouge du Brésil qui est une fausse teinture, ce rouge d’Inde qui n’est plus d’actualité, ce rouge d’Angleterre ou encore ce rouge écarlate, c’est un festival chez le chercheur du rouge, même si on se garderait d’en emprunter toutes les coloris.

On préférera ce ROUGET, MORRUDE, MOURRE, GALLINE, RONDELLE, en plein dans la rade pour qui aime les mots posés là comme ça, on se les prend avec enthousiasme. Comme on comprend que le rouge ne laisse pas indifférent.

Et comme une poire pour la soif, je vous laisse pour boucler ces petites nuances :

Entre ces sortes de rouges, il n’y en a que trois qui ayent des nuances ; savoir le rouge cramoisi, le nacarat de bourre, & l’écarlate de Hollande.

Les nuances du rouge de garance sont couleur de chair, peau d’oignon, fiamette, ginjolin. Celles du cramoisi sont fleur de pommier, couleur de chair, fleur de pêcher, couleur de rose incarnadin, incarnat - rose, incarnat & rouge cramoisi. Les nuances de la bourre sont les mêmes que celles du rouge cramoisi. L’écarlate, outre celles du cramoisi & de la bourre, a encore pour nuances particulieres la couleur de cerise, le nacarat, le ponceau, & la couleur de feu.

Au risque de déborder l’habituelle longueur d’un poulet, j’aimerais conclure les travaux de D. Joncour par cette dernière citation, avant que la littérature nous appelle, encore que là elle appelle tout autant :

Rouge, (Art de la Verrerie.) Néri a décrit la maniere de donner au verre un rouge transparent ; & comme son procédé réussit, je vais le transcrire. Prenez, dit - il, de la magnésie de Piémont réduite en une poudre impalpable ; mêlez - la à quantité égale de nitre purifié ; mettez ce mélange à calciner au feu de reverbere pendant vingt - quatre heures ; ôtez - le ensuite ; édulcorez - le dans de l’eau chaude, & faites - le secher, après en avoir séparé le sel par les lotions : cette matiere sera d’une couleur rouge : ajoutez - y une quantité égale de sel ammoniac ; humectez le tout avec du vinaigre distillé ; broyez - le sur le porphyre, & le faites sécher. Mettez ensuite ce mélange dans une cornue qui ait un gros ventre & un long col, & donnez pendant douze heures un feu de sable & de sublimation ; rompez alors la cornue ; mêlez ce qui sera sublimé, & ce qui sera resté au fond de la cornue ; pesez la matiere & ajoutez - y, de sel ammoniac, le poids qui en est parti par la sublimation ; broyez le tout comme auparavant : après l’avoir imbibé de vinaigre distillé, remettez - le à sublimer dans une cornue de la même espece ; réiterez la même chose, jusqu’à ce que la magnésie demeure fondue au fond de la cornue. Cette composition donne au crystal & aux pâtes un rouge transparent semblable à celui du rubis ; on en met vingt onces sur une de crystal ou de verre ; on peut cependant augmenter ou diminuer la dose selon que la couleur semblera l’exiger.

Le même Neri indique les procédés pour donner au verre la couleur d’un rouge - sanguin, & celle de rubis - balais ; mais il seroit trop long d’entrer dans ces détails. (D. J.)

On aimerait souffler un peu, ça fatigue cette profusion, mais aussitôt Baudelaire prend le relais dans son Salon de 1846 (III. De la couleur), je saute la page, mais ce texte est important pour comprendre cette couleur, surtout à partir du mot « sève », si on doit le résumer, on peut dire qu’on peut être à la fois coloriste et dessinateur, mais dans un certain sens, et s’il semble un peu abstrait à ce jour, terminons par la couleur de la poésie, une vraie promesse, ces vers de Georges Bataille, qui pénètrent, qui disent la vie, "quand la langue est crue comme une bouchère, quand elle est rouge comme un gigot". Il n’y a rien à ajouter à la poésie.

Je mets mon vit contre ta joue
le bout frôle ton oreille
lèche mes bourses lentement
ta langue est douce comme l’eau

ta langue est crue comme une bouchère
elle est rouge comme un gigot
sa pointe est un coucou criant,
mon vit sanglote de salive

ton derrière est ma déesse
il s’ouvre comme ta bouche
je l’adore comme le ciel
je le vénère comme un feu

je bois dans ta déchirure
j’étale tes jambes nues
je les ouvre comme un livre
où je lis ce qui me tue.

Georges Bataille (1897-1962) Je mets mon vit contre ta joue

écrit ou proposé par Christine Simon
BY-NC-SA (site sous licence Creative Commons BY-NC-SA)
première mise en ligne le 16 septembre 2014 et dernière modification le lundi 14 mars 2016
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