J’ai repris un précédent texte pour l’étoffer. Il sera dit par Sarah Helly avec La Voisine, le personnage qu’elle anime, à La Nef, à Pantin, début janvier.
Camp de base
Pense aux tonnes de tentes, fringues, couvertures, que les policiers charrient en ce moment, pelleteuses, bennes-poubelles, l’énorme dépotoir de nos intolérances,
la mise en scène de la volonté politique, évacuer, faire disparaître pour ne pas voir, et que ça passe à la télé, un bon migrant est un migrant dilué dans la masse, caché dans le centre de transit ou envoyé sur les routes, pour que jamais ne stocke nulle part,
fluidification du circuit, le migrant bouge, son nom le dit, il est migrant, comme on est sédentaire, constitutivement, intrinsèquement, pierre qui roule n’amasse pas mousse, le migrant est un Rolling stone qui ne tire pas la langue, mais qui toujours la tire, sa langue,
pense au temps qu’il faut à chaque migrant pour se refaire, après ça
j’ai vu Mina, ma copine rom, reconstruire sa base au moins deux fois par an pendant cinq ans, parfois trois, ça passe chaque fois par la case « dormir dans le parc sur un carton avec son fils et son mari »,
ça se remarque le migrant évacué, ça se voit, chez Mina, les premiers temps après l’évacuation elle arrive avec deux grands sacs Tati remplis jusqu’à la gueule, et trois couches de vêtements sur elle, comme devenue penderie, la déménagée ambulante, le migrant évacué est un escargot qui porte les couvertures roses, les pulls bleus, les pantalons noirs sans fermeture-éclair de nos rebus,
pense à l’instant où elle redevient légère, Mina, ne se déplace plus qu’avec les objets ou les denrées qu’on lui fournit à la sortie du Franprix, l’instant magique où on sent qu’elle a de nouveau son assise, qu’elle a recréé sa base, qu’elle peut réinscrire son garçon à l’école, qu’elle peut enfin faire sa popote sur le réchaud à gaz,
le luxe, le confort, la réinstallation
c’est ça la vie de migrant en stand-by, la sempiternelle remise sur pied d’un abri, quelque chose d’une vie de Sisyphe, remonter le rocher de survie après chaque évacuation
Messages
1. camp de base, 23 décembre 2016, 22:23, par Dominique Hasselmann
Migrants
oiseaux migrateurs
ou voyageurs
un corbeau noir au milieu
parfois
il faudrait installer des filets
dans le ciel
tout serait alors
si simple
Voir en ligne : Métronomiques
2. camp de base, 23 décembre 2016, 22:27, par christine simon
et rien n’est simple, n’est-ce pas,
ce serait si simple